Nous avons récemment rencontré Sylvain Bazin lors d’un festival de films d’aventure. Sylvain est un rando-trailer, comme il se définit lui-même, qui fait régulièrement parler de lui. Il se lance tout au long de l’année sur de grands chemins en mode trail ou rando. Il nous a séduits par sa simplicité et son enthousiasme. Nous l’avons interrogé afin de mieux le connaître et ainsi vous faire partager sa passion.
Bonjour Sylvain,
Tu as l’honneur d’inaugurer notre nouvelle rubrique interview.
Pour que nos lecteurs puissent mieux te connaître et savoir qui tu es, peux-tu brièvement te présenter et évoquer les différents projets que tu as déjà menés jusqu’à maintenant ?
Je suis journaliste spécialisé dans l’Outdoor, particulièrement en trail et trekking. Je suis également blogueur depuis près de dix ans.
Enfin, je cours depuis toujours. Depuis plus d’une décennie j’ai participé à de nombreux trails à travers le monde et beaucoup d’ultras aussi. Dans la continuité de ma démarche de coureur qui veille à s’écarter de l’aspect purement compétitif, je parcours depuis quelques années de grands itinéraires de randonnée, avec une préférence pour les pèlerinages et les chemins historiques.
J’ai ainsi marché et couru sur une bonne partie des voies jacquaires , sur la Via Francigena ou encore le chemin des 88 temples au Japon.
J’ai 36 ans.
Le trail fait partie des sports Outdoor qui bénéficient d’un fort engouement du public depuis quelques années. Sa pratique est devenue populaire. Peux-tu nous parler de ta vision personnelle du trail ?
Le trail connaît effectivement un immense succès, mais également un très fort développement durant ces dernières années. Bien entendu, je m’en réjouis, même si la popularité de la discipline peut entraîner des changements. Bien entendu, il commence à y avoir du business, même si on reste loin de certains milieux sportifs. Bien entendu, la compétition évolue également, en mal comme en bien. Les teams, les fédérations plus ou moins construites autour d’intérêts personnels, tout cela va apporter des changements
Mais d’un autre côté la pratique reste libre et pour l’instant il y en a vraiment pour tous les goûts et il y a de quoi se construire des défis personnels adaptés à sa propre motivation.
Personnellement, je n’ai jamais abordé le trail d’un point de vue trop compétitif, mais plutôt justement comme un beau défi. Logiquement, je suis allé vers une pratique de plus en plus personnelle, avec des challenges individuels, où je construis mon propre parcours selon mes envies et mes goûts. C’est un luxe, mais qui demande aussi beaucoup d’énergie pour mener à bien ces projets.
Maintenant, je pratique un « rando trail » qui me va bien. Et continue de participer aux courses quand elles m’inspirent.
Récemment, tu as fait l’objet de quelques titres d’actualité.
Pour faire un petit rappel auprès de nos lecteurs, tu devais participer avec l’aventurier Charles Hedrich, à la traversée de l’Atacama en autosuffisance. Récemment, tu as finalement annoncé ta non-participation à ce projet.
Peux-tu nous en donner la raison et nous expliquer ce qu’il s’est passé ?
J’ai donc finalement décidé de ne pas partir pour l’Atacama en compagnie de Charles Hedrich pour tenter la traversée de ce désert extrêmement aride en autonomie. La raison de ce retrait est simple : des 1000 kilomètres prévus au départ, et que nous avions reconnus en janvier, la longueur du parcours est passée dernièrement à près de 1500 kilomètres. Après ses derniers entraînements avec un chariot chargé à plein, Charles a estimé que nous aurions du mal à parcourir plus de 35/40 kilomètres par jour. Avec une nouvelle reconnaissance des kilomètres ajoutés et les derniers préparatifs, cela nous faisait une absence minimale de 55 jours dans le meilleur des cas. Or, d’après le projet de départ, j’en avais prévu 35 pour boucler notre périple et rentrer, en me basant sur le tableau de marche de Frédéric de la Nouvelle et en ajoutant la contrainte du chariot et de l’autonomie.
Ce changement de donne ne me permet pas de partir car il n’est pas compatible avec ma situation familiale actuelle. Je dois être rentré pour le début mai. Le choix s’est donc imposé de lui-même. Outre cette obligation, ma situation professionnelle et personnelle aurait aussi eu du mal à s’accommoder d’une absence aussi longue et imprévue.
Je n’ai pas de regret d’autant plus que je vais « remplacer » cette expédition par un voyage à pied qui s’inscrit dans la continuité des marches que j’ai menées ces dernières années. Je souhaite bonne chance à Charles même si il me semble que cet allongement de parcours, surtout dû à une critique de la part d’un autre « aventurier », me paraît compromettre le succès de l’entreprise et compliquer largement la tâche. Il n’y a en effet pas davantage de points d’eau et le temps d’autonomie va vraiment devenir très long, surtout conjugué à l’effort de la marche.
J’ajouterais que je déplore ce changement de parcours qui, à mon avis, ne s’imposait pas. Charles est beaucoup plus intéressé que moi par les notions de records et de premières, et je comprends qu’il ait voulu être sûr de ce côté-là. Mais j’ai eu des informations contradictoires concernant les critères du Guiness Book. Pour l’un, Louis-Philippe Loncke, ce serait du 18e au 28e parallèle, ce que Charles va tenter finalement et qui oblige à traverser deux villes très peuplées (donc ce n’est pas le désert non plus…) ; pour l’autre, partir du Géant d’Atacama et arriver à Copiapo suffisait.
Fred de la Nouvelle m’a encore dit récemment qu’en 2012, il avait le feu vert du Guiness pour une homologation sur ce parcours-là. Je voulais m’inscrire dans ses traces car cela me semble encore être le tracé logique et historique. 1000 km de vrai désert, même s’il est un peu habité tout de même.
Le parcours de Fred ne figure pas au Guiness finalement car ils ont considéré qu’étant donné le peu de tentatives, on ne pouvait pas encore parler de record. Je pense que c’est un point à prendre en compte. La notion de première pourra rester mais c’était le cas du projet initial aussi.
Enfin je le répète je n’ai pas de regret. Juste l’impression que le microcosme des « aventuriers d’expéditions » aiment se tirer dans les pattes et inventer de la compétition là où il n’y en a pas, car a priori chaque exploit vaut pour lui-même. Je trouve ça dommage. Dans mes projets, j’aime conserver une part de défi physique mais ce qui doit primer est la découverte, le récit vécu, la photo. La pure performance, je l’ai connue lorsque j’étais compétiteur. Même si, bien sûr, le projet Atacama représente aussi une prouesse, ce n’était pas mon seul but en partant. Le nouveau projet est lui extrêmement difficile.
Comme je te connais un petit peu, je sais que tu es quelqu’un qui rebondit facilement et qui a toujours besoin d’être dans la dynamique. As-tu donc prévu quelque chose à réaliser dans les 2 ou 3 mois à venir pour remplacer l’Atacama ? Et d’une façon générale, peux-tu nous parler de tes futurs projets ?
Oui, d’ailleurs je suis déjà reparti puisque j’écris depuis le Camino d’El Norte, le chemin côtier vers Saint Jacques, que j’ai débuté aujourd’hui. 900 kilomètres de Bayonne à Santiago qui couvriront la période que j’avais prévue pour l’Atacama et me permettront de rentrer à temps. C’est certes très différent mais c’est une belle balade tout de même et ça s’inscrit dans la continuité de mes précédents projets.
En juin, je pars à vélo sur la Wild Atlantic Way, une nouvelle route touristique qui longe toute la côte atlantique irlandaise sur 2500 km. Ça s’annonce vraiment beau, d’autant plus que c’est un projet que je vais partager avec mon amie et un pote.
Enfin il y aura sans doute un autre chemin historique plus court en juillet, et le chemin international des Appalaches au Québec en août avec Franck Junod, un autre bon traileur et baroudeur.
Bref, de quoi rebondir!
Tu participes également à la rédaction d’ouvrages. Peux-tu nous parler de ton dernier livre ? En as-tu un autre en cours de préparation ?
Oui, écrire et faire des photos , c’est aussi mon métier. Outre mes activités de journaliste et de blogueur, je tente d’écrire et de publier des livres.
Le premier, Pèlerin Express, est sorti en 2013. C’est un récit de voyage qui raconte mon premier chemin de Saint-Jacques, d’Aix-les-Bains à Fistera, par la voie du Puy puis le camino Frances. Il est toujours disponible.
J’espère vraiment publier l’an prochain un nouveau livre de récit de voyage, sur la Via Francigena ou un autre itinéraire jacquaire. Mais il me faut trouver un autre éditeur pour cela. Avec Matthieu Forichon, qui a illustré avec brio Pèlerin express, et son agent, nous cherchons une maison d’édition qui porterait le projet pour faire quelque chose de vraiment beau ! J’ai beaucoup apprécié notre collaboration sur le premier livre et j’espère donc que nous allons vite travailler à nouveau ensemble. Mais j’ai bon espoir!
Par ailleurs, en juillet, sortira « Trail Running préparez vos défis« , chez Amphora. C’est un livre technique, sur l’entraînement, que j’ai co-écrit avec l’entraîneur Jean-Marc Delorme. Nous y présentons, je pense, un panorama assez complet des éléments de la préparation pour le trail, à différents niveaux.
C’est certes un livre technique, pratique et précis pour préparer les courses, mais nous y livrons aussi notre vision de la pratique. Le terme de défi n’est pas là pour rien. J’appuie aussi, dans le contenu de l’ouvrage, sur le fait que ces défis, si beaux et exaltants soient-ils, et leur préparation, doivent s’inscrire dans un équilibre de vie. Pas dans une fuite totale en marge d’un quotidien trop gris.
Pour en savoir plus sur les livres de Sylvain
Merci Sylvain pour le temps passé à nous répondre alors que tu fais actuellement de grosses journées sur le Camino del Norte (Chemin Côtier), une via compostela. C’est toujours un plaisir d’échanger avec toi. Je pense que maintenant, nos lecteurs te connaissent un peu plus et que, peut-être, tu leur auras transmis ta passion pour le trail.
Blog de Sylvain Bazin : sylvainbazin.blogspot.fr
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A propos de François
Passionné des grands espaces sauvages et des mondes polaires. J’ai réalisé plusieurs raids autonomes au Groenland et en Laponie. J’aime partager ma passion à travers les sites de la TeamAventuriers et d'Un Monde d'Aventures
Bonjour aux lecteurs,
Je commente ici les propos que j’estime certains arguments incorrects. Tout lecteur pourra relire mon opinion émise AVANT le début de l’expédition de Charles ici :
Je remercie François d’avoir remis déjà le lien dans l’interview puisque cela donne au lecteur l’occasion de lire mes propos et ceux de Willy et Frédéric.
1) « cet allongement de parcours, surtout dû à une critique de la part d’un autre « aventurier », me paraît compromettre le succès de l’entreprise et compliquer largement la tâche.» Je suppose qu’il parle de moi. Lorsqu’on annonce qu’on va traverser un désert, il y a 2 moyens de le faire : dire « on parcourt le DESERT sur x km » ou « on le traverse d’une de ses frontières à une autre disons opposée ».
J’ai pris contact avec Charles bien avant son expédition pour lui expliquer ma vision de la taille du désert. Nous avons échangé pendant 1h et pris rendez-vous pour se rencontrer à Paris (voir mon blog). Il m’a communiqué que le Guinness voyait le désert (et donc sa tentative de record) commencer au 18ème parallèle. Charles a écouté mes arguments mais il suit le Guinness. S’il suivait mon idée, rajoutez 300km ! (départ au Nord-Ouest de Majes au Pérou, près d’Arequipa). En fait, il est parti de 18° 30’ et donc a priori ce n’est pas le critère que le Guinness demandait. Homologation validée ou pas ? A voir ce que le Guinness décidera.
Je refuse de croire que c’est moi qui ai fait changer les plans. Ce qu’il fallait faire c’était au départ douter du trajet des 1000km de départ ? Pourquoi ce nombre si rond ? Et c’est pareil pour le Guinness pourquoi « exactement » le 18ème parallèle. L’Atacama est limité par les montagnes des Andes et l’Océan. Qu’on me dise si c’est autre chose. Par contre pas évident de dire où est la frontière entre montagne Andine et désert. Mon opinion est indiquée encore une fois où vous savez.
« Compromettre et compliquer l’expédition ? » Je ne vais pas expliquer ici le « truc » qui permet de traverser n’importe quel désert en autonomie et à pied. Même le Sahara. L’Atacama à pied et en autonomie est tout à fait possible. « Compliquer » ? Si ce n’était pas compliqué, ce serait déjà fait ou ce ne serait pas aventureux. L’aventure c’est le risque et le doute sur la réussite de l’entreprise. Si on est certain de réussir, ce n’est plus une aventure. Une tâche compliquée est justement intéressante pour l’aventurier car il doit se montrer créatif, endurant, persistant pour potentiellement réussir. C’est là qu’on apprend.
2) « Charles va tenter finalement et qui oblige à traverser deux villes très peuplées »
Ah bon, qui lui oblige ? Il peut contourner non ? Cela rallonge le trajet je suppose.
3) « le microcosme des « aventuriers d’expéditions » aiment se tirer dans les pattes et inventer de la compétition là où il n’y en a pas, car a priori chaque exploit vaut pour lui-même. »
Tout à fait d’accord avec chaque exploit individuel ou en groupe qui est fantastique. Je ne crois pas que les aventuriers aiment se tirer dans les pattes. J’ai émis une opinion avant qu’il parte et d’abord par email. Il n’y a pas de compétition là puisqu’il est le seul à tenter. Mon opinion est émise justement pour éviter que si quelqu’un dans 2 ans traverse l’Atacama en faisant une distance plus grande et si possible aux frontières « reconnues » du désert par le public et entités de géographie ; puisse dire qu’il soit le où la première à traverser le désert. A ce moment-là faut pas venir dire dans la presse : « et, oh, c’était moi le premier avec mes 1000km ». C’est une question de justesse. L’Everest n’est pas à 8845 mais à 8848 (8850m). Si on veut être le premier, il faut s’arranger à ce que personne ne puisse prétendre mieux, sinon, ce n’est plus une première mais un record. Et on ne bat pas une première.
Et en effet, s’il on parle de record, cela semble normal que ce mot soit associé au mot compétition. Et donc, oui il y a de la compétition soit pour battre un record, soit pour être les plus rapides ou les premiers. Même sur l’Everest il y a eu un premier, ils étaient deux mais au moment de poser chacun le pied sur le sommet, au niveau moléculaire, il y en a toujours un qui aura son pied écrasant la neige jusqu’au sol en premier. Et là, plus de discussion puisque Tenzing Norgay a dit que Hillary avait mis le pied en premier.
4) »cela me semble encore être le tracé logique et historique. 1000 km de vrai désert, même s’il est un peu habité tout de même. »
Ce qui m’inquiète c’est de se fixer une distance symbolique (ou de marketing pour faire bien joli dans la presse) à 1000km. Si le désert était d’exactement 968km aurait-on dit 1000km ? On ne dit pas que l’Everest fait 9000m. Pour traverser un désert, il faut un point de départ, un point d’arrivée et puis on mesure la distance à vol d’oiseau. Et puis évidemment, il y a la distance effectuée qui est la somme des distances entre chaque point GPS pris et puis au final il y a la distance estimée de progression. Aucun problème d’utiliser les 3 distances, mais il faut être clair et préciser. Donc, si on veut annoncer à la presse et au public un chiffre rond comme 1000 ou 1400km il faut expliquer ce que cela représente. Pas de problème finalement avec une distance « marketing », on le fait tous pour simplifier.
Pour ce qui est de la distance, du point de départ de Charles à Rio Potro (GoogleEarth), je mesure 982km. Mais à vol d’oiseau on est dans l’Océan. Alors si je mesure 3 segments de droite qui se trouvent plus ou moins dans le désert, vous pouvez juger par vous-même 996km. On va pas trop chipoter sur où sont ces segments de droite mais on peut donc bien dire 1000km d’Atacama pour Charles en « lignes droites ». Les 1000km de départ, devenus 1400km… eh bien je demande à voir le calcul. Je suppose que c’est une mesure en ayant des segments de droite nombreux qui suivent la route. C’est bien du Sport-Aventure et un superbe exploit. Moi ce qui m’intéresse c’est comment rejoindre MAJES au Pérou à VALLENAR au Chili en autonomie en évitant les routes, les villages et infrastructures humaines. Et essayer de passer par des endroits donc où l’homme passe peu ou pas. C’est de l’exploration-aventure. Le trajet en 5-6 segments et chiffre rond fait 1500km à vol d’oiseau. En réel, je crois qu’à pied avec toutes les difficultés de terrains, d’aller-retours pour déplacer la charge sur des obstacles difficilement franchissables. On pourrait s’approcher des 2000km à pied.LPL
Mon 3eme lien ne fonctionne j’ai dû faire une erreur dans le code HTML.
Le voici:
LouPhi Atacama Full Trek proposition